Dans la bataille des idées, la « décroissance soutenable » ne cesse de gagner du terrain depuis une vingtaine d’année maintenant. Il reste que cette proposition politique révolutionnaire n’est pas toujours simple à comprendre, notamment parce qu’elle transgresse les clivages politiques auxquels nous sommes accoutumés. Pour mieux l’appréhender, une solution consiste à explorer les pensées dont elle s’est nourrie. C’est ce que les membres du collectif de recherche Polémos-décroissance tenteront de faire dans le cadre de ce cours, en présentant les idées et les parcours de quelques penseurs issus d’horizons divers que l’on peut considérer comme des précurseurs de la décroissance.
Professeurs : Polémos-décroissance
Coordination : Yves-Marie Abraham
Partie 1 : Simone Weil (donnée par Ambre Fourrier)
Encore peu connue du grand public, Simone Weil (1909-1943) est l’une des premières philosophes à avoir travaillé en usine et à s’intéresser de près au « vécu » des ouvriers et ouvrières. Ses écrits et son engagement militant font d’elle un personnage incontournable pour « penser » la décroissance. A travers quelques éléments de son parcours biographique et la présentation d’un de ces ouvrages : Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale (1934), nous tenterons de démontrer en quoi, il est pertinent de la redécouvrir aujourd’hui.
Partie 2 : Günther Anders (donnée par Louis Marion)
Cette seconde partie de séance portera sur la vie de Günther Anders et quelques raisons de son refoulement académique et de son pillage. Seront présentés par ailleurs les principaux concepts de Gunther Anders en lien avec l’omniprésence contemporaine de la technique et de ses illusions : le décalage prométhéen, la honte prométhéenne, la technique supraliminaire. Enfin, il sera question des raisons pour lesquelles, selon Anders, il est si difficile d’espérer sortir des sociétés de croissance.
Partie 1 : Rachel Carson (donnée par Estelle Louineau)
« Printemps silencieux » de Rachel Carson (1962) a été le premier ouvrage à dénoncer les impacts des pesticides sur l’environnement. Son influence a été telle qu’il a conduit à l’interdiction du DDT et à la naissance du mouvement écologiste. Nous verrons ensemble comment Rachel Carson peut ainsi être considérée comme une précurseure à la décroissance.
Partie 2 : Limits to Growth, alias le Rapport Meadows (donnée par Philippe Gauthier)
Limits to Growth, une étude sur l’avenir de l’humanité présentée au Club de Rome en 1972, démontrait l’impossibilité d’une croissance finie dans un monde fini. Le mythique rapport déchaîne les passions depuis 50 ans, partagé entre ceux qui y voient la prophétie d’une catastrophe inévitable et ceux qui l’interprètent comme un délire malthusien. Mais quel était au juste le projet initial de l’équipe de chercheurs? Comment voient-ils aujourd’hui leur travail, avec le recul? Quels enseignements peut-on encore tirer de cet ouvrage?
Partie 1 : Ernst Friedrich Schumacher (donnée par Sophie Turri)
Moins connu par son nom que par ses idées, Ernst Friedrich Schumacher n’en est pas moins un précurseur majeur de la décroissance. D’économiste en chef pour l’autorité britannique du charbon à théoricien de l’économie bouddhiste, Schumacher surprend autant par son parcours de vie, que par son regard acéré et critique sur le progrès industriel, la « violence de l’économie », le monde du travail et les technologies. Que recouvre son souhait d’une « société à la mesure de l’homme »? Qu’entend-il vraiment par le concept « Small is beautiful », son ouvrage éponyme (1973)?
Partie 2 : Nicholas Georgescu-Roegen (donnée par Bastien Boucherat)
Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994) est un mathématicien et économiste qui appela à une réforme profonde de la science économique. Il travailla à y intégrer les enseignements de la thermodynamique et de la biologie, en tant que disciplines décrivant des processus et des contraintes indépassables et qui s’imposent par conséquent à toute activité humaine. Nous explorerons les principaux concepts, apports, et questionnements mis en avant par ses travaux, pour mieux comprendre comment ceux-ci sont devenus l’une des ressources théoriques des objecteurs de croissance.
Partie 1 : Alexander Grothendieck et « Survivre… Et vivre » (donnée par Noémi Bureau-Civil)
Étonnamment peu connu, Alexander Grothendieck (1928-2014) fut l’un des plus grands mathématiciens du XXe siècle. Secoué par la guerre du Vietnam, puis par la découverte du financement partiel par des fonds militaires de l’institut de recherche au sein duquel il travaillait, Grothendieck quittera sa prestigieuse institution. Avec «Survivre… et vivre», un mouvement de scientifiques critiques qu’il fonde en 1970 à Montréal, il initiera une profonde critique du complexe scientifico-militaro-industriel, qui a constitué l’une des sources d’inspiration importantes de la décroissance. Cette brève présentation nous invitera à nous poser la question on ne peut plus d’actualité formulée par Alexander Grothendieck : « Allons-nous continuer la recherche scientifique? »
Partie 2 : André Gorz (donnée par Andrea Levy)
André Gorz (1923-2007) fut l’un des précurseurs incontestés de la décroissance et l’un des premiers auteurs à utiliser le terme même. Cet intellectuel français d’origine autrichienne a contribué à conscientiser toute une génération aux enjeux de l’écologie notamment par sa chronique, publiée sous le pseudonyme Michel Bosquet, dans Le Nouvel Observateur au cours des années 1970. Dans son long parcours, ce socialiste libertaire antiproductiviste a abordé à peu près tous les grands thèmes de la décroissance et s’est consacré à analyser les impasses du capitalisme ainsi que la nécessité impérieuse de limiter l’emprise toujours grandissante du marché sur la société. Nous discuterons de plusieurs aspects clés de son œuvre tel que ses idées sur l’autolimitation des besoins, la réduction du temps de travail, le revenu universel, et les réformes révolutionnaires.