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L’intérêt d’une lecture actuelle des Origines du totalitarisme c’est de nous orienter dans nos luttes politiques contemporaines. Il ne s’agit évidemment pas de rabattre la conjoncture politique récente sur les années 1930, mais de voir l’origine d’enjeux auxquels nous sommes encore confrontées : racialisation des rapports sociaux et racisme systémique, fragilité de l’État de droit et des libertés politiques et individuelles, guerres impériales, faits alternatifs, etc.
Les Origines du totalitarisme constituent la première œuvre d’envergure signée par Hannah Arendt. Prise de congé de la philosophie « pure » après que certains philosophes aient été aveuglés par un pouvoir totalitaire au point de s’y rallier au nom d’une certaine compréhension de la vérité, elle y met en œuvre sa méthode intellectuelle qui est de « penser l’événement ». C’est également un texte qui nous montre bien la fragilité de la démocratie comme forme du vivre ensemble (plutôt que comme agencement institutionnel).
Elle s’y attelle à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et l’ouvrage connaît une première publication en 1951. Au point de départ, cet ouvrage voulait tenter de comprendre l’inconcevable, le phénomène des camps de concentration / extermination des Juifs mis en place par le régime nazi. C’est ce qui explique la structure des deux premiers tomes du livre. Par la suite, et c’est perceptible surtout dans le troisième tome, il veut donner une explication plus générale à un nouveau type de régime politique, le totalitarisme, terme sous lequel Arendt conjoint le nazisme et le stalinisme.
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La première séance concerne l’antisémitisme. Nous aborderons successivement le développement de l’antisémitisme moderne de type politique plutôt que religieux et l’affaire Dreyfus. Pour Arendt, il est important de distinguer l’antisémitisme moderne de la haine des juifs qui existait dans la chrétienté médiévale. Elle avance deux idées forces concernant cet antisémitisme. La première concerne l’effet de miroir entre sionisme et antisémitisme. La deuxième a trait au fait que l’antisémitisme a servi de facteur de cohésion aux communautés juives après l’émancipation du 19e siècle. Par ailleurs, pour Arendt, l’Affaire Dreyfus anticipe un certain nombre des enjeux qui permettront la montée du fascisme au siècle suivant : faiblesse et absence de légitimité des institutions, antisémitisme, rôle de la populace. Les deux principales conséquences immédiates, selon Arendt, en sont la loi sur la laïcité qui met fin à l’influence politique de l’Église catholique en France et la naissance du sionisme. J’aurais tendance à en ajouter une troisième, la naissance de la Ligue des droits de l’Homme.
Chez Arendt, l’impérialisme se rattache à deux éléments. D’une part, le fait que ce sont d’abord dans les colonies qu’ont été développées certaines techniques de gouvernementalité qui seront ensuite appliquées dans les pays européens. Ensuite, le développement de la pensée raciste et la racialisation des relations sociales sous l’impact de la généralisation de l’État nation. Ce qui marque le phénomène impérialiste du 19e siècle, c’est sa concomitance avec le développement du racisme institutionnalisé. En développant deux systèmes juridiques, l’un pour les populations de la métropole et l’autre pour les populations colonisées. Cela s’accompagne de développements scientifiques qui peuvent servir à justifier les positions racistes. Il sera donc question de la colonisation européenne de l’Afrique, du développement du racisme et la racialisation des rapports sociaux, de la violence administrative comme négation de la dimension politique et les nationalismes tribaux en Europe. Cette section se conclut par un chapitre sur les droits humains qui cherche à montrer leur nature essentiellement politique en explorant le phénomène de la création de l’apatridie à une échelle massive durant l’entre-deux-guerres, d’une part, et en montrant l’impuissance à défendre leur humanité de personnes privées d’un statut dans le monde du fait de leur statut d’apatride, de l’autre. Elle ouvre aussi la voie à une réflexion, qu’elle n’explore pas à fond, sur le droit à avoir des droits.
Enfin, pour le totalitarisme, nous examinerons le côté antipolitique du système totalitaire, sous des dehors de politisation de l’ensemble des relations humaines et nous aborderons la question de la massification sociale et des nouvelles pratiques de gouvernementalité. Le procédé à l’œuvre dans le troisième tome est assez différent. Il s’agit moins de dresser les linéaments historiques du totalitarisme que d’essayer d’en cerner la nature, d’une part, en tant que forme entièrement nouvelle de régime politique et d’autre part, de renvoyer dos à dos le stalinisme et le nazisme comme deux formes différentes du même phénomène, le totalitarisme. C’est ce qui explique qu’Arendt s’intéresse au processus de massification de la société, au rôle de l’idéologie, à la structure des mouvements totalitaires, à la disparition à toute fin pratique du politique (et son remplacement par la police) et finalement à ces deux moteurs du régime totalitaire, l’idéologie comme nature et la terreur comme principe. La facture en est d’ordre plus théorique qu’historique, même si elle appuie sa réflexion sur des documents d’archives.