L’Antiquité en Occident est parfois vue comme un prototype primitif des sociétés modernes. Pourtant, cette époque est le cadre d’une vie intellectuelle riche qui fait son intérêt en soi. Les philosophes y étaient considérés comme des experts de la vie: leurs étudiants les suivaient quotidiennement pendant de longues années et leur mode de vie servait autant que leurs écrits à exprimer et transmettre leur savoir. Nous verrons comment quelques-uns d’entre eux répondaient à la question: qu’est-ce qu’un bon citoyen?
Flamboyant, irrévérencieux et iconoclaste, Diogène de Sinope s’est attiré le surnom de « Chien » en pratiquant sa philosophie. C’est que sa réponse à notre question est sans équivoque: la meilleure façon de vivre parmi ses contemporains, c’est de vivre le plus possible selon la nature, comme les animaux, et d’inciter les autres à faire de même.
Beaucoup de commentateurs ont pensé que Socrate, en refusant de s’exiler à la veille de sa condamnation à mort, a pratiquement choisi de mourir, sous prétexte de ne pas pouvoir vivre autrement qu’il a vécu. Le cas de Socrate est extrême, mais est-ce bien vrai qu’il est impossible de concilier vie philosophique et vie en harmonie avec ses concitoyens?
La plupart des philosophes anciens dont nous avons conservé les œuvres jouissaient d’un statut social avantageux. Hommes et femmes, citoyens et étrangers, gens libres et esclaves ont-ils les mêmes responsabilités et les mêmes possibilités quand il s’agit d’être le meilleur possible pour sa communauté? Les témoignages de deux femmes qui revendiquaient le statut de philosophe, Théano la Pythagoricienne et Hipparchia de Maronée, nous renseignent à ce sujet.
La philosophie stoïcienne est marquée d’un étonnant pragmatisme et figure parmi les écoles les plus répandues dans l’Antiquité. Même Sénèque, tuteur de Néron, et l’Empereur Marc-Aurèle y adhéraient. Bien que ces deux philosophes aient été des personnages politiques aussi haut placés que possible dans la cité de Rome, ils considéraient que leur devoir de citoyen s’étendait au-delà de toutes les frontières: c’est ce que les Stoïciens appelaient le cosmopolitisme.
Plotin, le fondateur du courant dit des « Néoplatoniciens », avait un grand projet: la fondation d’une cité neuve sur les principes de philosophie politique hérités de Platon. Malgré l’échec du projet, il s’est engagé jusqu’à la fin de sa vie auprès de ses concitoyens de Rome d’une manière étonnante: en s’occupant d’abord et avant tout de lui-même.